Bienvenu en Enfer - Charybde

Des pas et du métal. Bienvenu dans le ventre de l'Oubli.

Des souvenirs de ton incarcération dans cette monstrueuse station spatiale te reviennent. L'objectif : la reprogrammation de ton esprit pour faire de toi un "citoyen modèle". Un programme expérimental mené sur les pires raclures criminelles, ceux dont même les prisons terrestres considérent comme des causes perdues. Psychopathes, Sociopathes, violeurs et sadiques des pires espèces. Et toi. Ta vie carcérale dans la partie nommée "Abaddon" te revient aussi par bribes maintenant. Si l'Enfer carcéral avait un visage, c'était celui-là. Tu avais dû faire des choses abominables ici. Mais après tout, cette vie n'était que justice pour toi.

Les images du Bunker se mêlent à cette fresque de couloirs monstrueux et aseptisés. Car malgré ton aplomb, tu vis ce retour comme un rêve éveillé. Es-tu bien Karim ? Ou es-tu Matthew ? Ton esprit lutte encore pour s'ancrer dans une identité, et tu as de gros moments d'absence où tu ne sais plus où ni qui tu es. L'Oubli...Si seulement.

Le garde en armure jaune qui t'accompagne est aussi déshumanisé avec son casque intégral que le reste de cet établissement. Ici pas d'espoir de sortir. Tu as vu trois prisonniers tentant de s'échapper. Trois cadavres, réduits à l'état de cendres. Car NBN n'a rien laissé au hasard. La sécurité est tellement élevée que trouver un trou dans la sécurité prendrait au mieux plusieurs mois, à supposer qu'un audit n'ait pas encore fait changer ce système.

Deux anneaux qui tournent et s'enclenchent au hasard. Des cellules avec des barreaux lasers. Une armée de gardiens entraînés par l'armée d'NBN. Des mercenaires aguerris et pour certains des monstres valant largement leur poids de prisonniers. Et en dernier recours, l'espace. Le vide et le néant. Certes aucune prison n'est inviolable. Mais celle-là a une ceinture de chasteté ultra-sécurisée avec des lames lasers et des crocs. Un vrai piège dans l'espace.

Tu finis par arriver devant la cellule 101. Tu avances et rejoins ton Enfer personnel. Cette pièce où tu attendais la mort avant d'être choisi pour ce programme virtuel à grand spectacle. L'idée était ridicule. Mais finalement, ne l'était-elle pas autant que ta vie ?

Le Coran de ton père semble t'injurier sans dire un mot dans le silence seulement habité par la ventilation. Les lasers se ferment, te laissant seul avec tes souvenirs emmêlés. Avec une vie de flic de Los Angeles que tu n'as pas vécu. Avec des maux de têtes qui te martèlent le crâne encore et encore, ad nauseam.

Est-ce ton entraînement ou les restes de la personnalité en lambeau de Matt, tu finis par te concentrer pour faire le point. Sur qui tu es. Ce que tu es. Un traqueur. Un terroriste. Et un tueur. Et en essayant d'échapper à cette douleur, tu te sens finalement encore pire qu'avant. La conscience de Matt. Sa personnalité juste et humaine. Tout ça essaie maintenant de cohabiter avec Karim. Le trouble, dangereux et perdu Karim.

Tu décides de faire un point plus précis sur cet endroit .A ce que tu as pu remarquer de la position de la station et aux déductions que tu as fais depuis ton entrée ici, tu sais que la sortie et le repas ne vont pas tarder. Abaddon. Le quartier des prisonniers qui ne sont pas encore "traités". Celui qui finalement ressemble le plus à un QHS de prison standard. Tu frottes ton crâne rasé. Les nanites. Une injection faite à ton entrée. Et la quasi certitude que personne ne quitte ce lieu sous peine d'une souffrance intense, puis de l'activation de nanites tueurs qui créent une rupture d'anévrisme. Simple. Efficace.

Les prisonniers, comme dans toutes les prisons, spatiales ou pas, se sont regroupés. Des groupes hétéroclites. Certains par activités, certains par anciennes affiliations. Tu as finis par t'y faire des contacts, ce qui t'a permis de survivre jusqu'au programme. Tu te rappelles de ta boule au ventre tous les matins. Cette pulsion de vie ironique qui te poussait malgré tout à survivre. A subir.

Les gardiens sont des fantômes sans identité. Communication réduite au minimum. Des psychopathes en armure, qui sont capables des pires atrocités sur des incarcérés tout aussi dangereux et dont la société ne voulait plus.

Le Directeur. L'homme que tu as entendu. Celui qui t'a proposé ce programme lucratif. Un enfoiré en costume de marque, dont le sadisme n'a d'égal que son arrivisme et son ambition. Son soucis principal c'est la reconnaissance de ce programme et les pertes et profits. Un corpo dans toute sa splendeur.

La Docteur. Elle ne te dit rien. Tu as vu plusieurs scientifiques avant ta "plongée" en hyper-réalité. Mais pas elle. Pourtant tu as l'intuition qu'elle a dû t'observer de loin. Une odeur. Son parfum. Tu l'avais déjà senti.

Une seconde, le visage de Daphnée s'imprime sur ta cornée. Mal de tête. Tu n'es pas Matt...Tu n'es pas Matt...Mais en es-tu sûr ? Une vague numérique, comme le voile d'un ancien téléviseur sans programme, passe devant tes yeux. Un bug de ta sortie. Ton cerveau assimile mal ce réveil. Et comme toi, il est perdu. Mais est-ce vraiment ça ?

Le Buzz sonne. Une seule sonnerie. Le mouvement est presque imperceptible, mais il te semble sentir les cellules et les anneaux se déplacer dans ce dédale impénétrable et dont personne n'est sorti depuis son inauguration. Un clic suivi de l'extinction des lasers t'indique que l'heure de la sortie est arrivée.

La carrure d'un black imposant à l'oeil cybernétique chromé se découpe dans l'encadrure de ta porte :
- "Eh ben merde. Karim...Putain, omae. Si y a bien quelqu'un que je m'attendais pas à revoir ici...C'était une belle grosse connerie, si tu veux mon avis...", finit-il avec un air sombre, ses monstrueux bras appuyés sur l'encadrement.

Des souvenirs te reviennent. Peut-être un peu tard. Tu te rappelles qu'il y avait une autre raison au fait que tu aies accepté ce programme. Ta tête est mise à prix. Pas par Molok, ce molosse black qui constitue ton seul véritable allié dans cette taule. Mais par le gang des Razor Skulls. Le plus grand groupe de psychodingues de cet Enfer. Les chiens-chiens de ceux que tu as vraiment contrarié. Les pourris de cette équipe de gardiens dirigés par cet enfoiré psychopatique. Kaine.

Tu finis par voir cette sortie pour ce qu'elle est sûrement : ton dernier repas.

Le cerveau au bord de la rupture, suspendu à un fil entre deux identités qui luttent pour émerger de ce réveil. Regard neutre sur un univers carcéral qui l’est tout autant. Déshumanisateur. Assis sur la couche de ma cellule, ma tête est sous l’emprise d’une douloureuse pulsation. Une migraine qui ne m’a jamais lâché, dans cet univers ou le virtuel. Un doute terrible vibre en moi, incapable d’accepter cette réalité sans doute ? Et si c’était matt qui venait d’être plongé dans un univers virtuel où il endosserait le rôle de Karim… ?

Schizo. Vertigineux. Je me demande ce que le docteur Johansonn aurait à dire sur ce genre de pensée.

Le Coran semble me narguer : « Voilà ce qui arrive aux infidèles ».

Prostré, ce n’est que l’arrivée de Molok qui vient interrompre la danse mortelle de mes pensées. Qui me ramène aussi à la réalité du moment. Tête mise à prix. Un coup de surin qui viendra forcément, tôt ou tard. Plus tôt que tard sans doute.

- De partir ou de revenir ? Dis-je au titan noir, avec un sourire en coin. T’as une tête dégueulasse frère. On dirait qu’un Drak a pris ta gueule pour s’exercer à dégueuler du napalm dessus.

Je me met sur pied d’un geste unique, malgré la fragilité que je ressens encore dans mon corps.

- La soupe est toujours 4 étoiles ?

Pensée fugace d’un restaurant japonais, du sourire de Daphnée… Avant que tout n’implose pour me diriger vers cette conclusion ridicule.

Autant en finir. Presque soulagé, je me lance à la suite de Molok en direction de la cantine.

A ton essai d'humour, l'énorme bouche du colosse black s'étire. Dur de dire avec Molok si c'est un sourire cruel ou amusé, d'autant que c'est souvent la même chose pour lui.

Alors que tu avances dans le couloir, tu peux apercevoir d'autres silhouettes de prisonniers anonymes, même si il te semble en reconnaître quelques uns. Mais ton observation est coupée par la silhouette d'un gardien tout aussi anonyme :


Molok mets ses mains sur les cercles lumineux à côté de l'ouverture de la "porte" de sa cellule. Voyant que tu hésites une seconde -ou plus probablement par pure envie d'être chiant-, la voix aux accents électroniques s'élève de son casque. Une voix que tu reconnais :
- Tu connais la manœuvre, 1-0-1...Alors BOUGES !, crache-t-il en déployant la matraque télescopique qu'il tenait déjà en main dans un éclair électrique jaune.

Tu obtempères. Ta mémoire semble fonctionner normalement, mais tes réflexes de prisonnier semblent ne pas être encore revenus. Matt est encore là, trouvant la situation révoltante. Tes mains sur les cercles s'illuminent, et le scan commence.Flash dans les yeux, puis un rai de lumière qui balaie tout ton corps. Analyse. Check. Le symbole vert apparaît, et tu te retournes pour faire face à celui que tu as reconnu à son numéro : 0446. Ryan, un des larbins de ta Némésis slash Bourreau.

Tu peux le sentir sourire sous son casque :
- ..Ben voilà ! C'était pas si dur, hein, Princesse ? ALLEZ, AVANCEZ LA VERMINE !

La ronde du repas commence alors. Vous avancez par petits groupes de cinq, espacés de quelques mètres. Chaque groupe est surveillé par un maton. Molok ne dit rien mais t'observe d'un air sinistre tandis que vous progressez dans le ventre de la bête, semblant t'interroger de son œil cybernétique pour tenter de deviner tes intentions.Vous avancez lentement, tournant et retournant à des intersections dont vos guides sont les seuls cartographes.

Les groupes se séparent à un embranchement, vous laissant avec deux autres groupes. Le tiens compte trois autres prisonniers à part vous. Deux que tu ne connais pas : un petit brun aux airs de bodybuilder et aux yeux bleus cinglés, et un échalat roux aux cheveux longs et sales, dont les yeux noirs de fouine assortis à sa tête de rat t'observent discrètement. Le troisième, tu ne le connais que trop bien. Une crête rouge courte, et des yeux marrons aux teintes oranges posés sur un visage creux et cerné de junkie, et un charmant tatouage d'un crâne griffu sur le côté du cou. Mad Minx. Un des tueurs des Razor Skulls. Tu lui as déjà mis quelques râclées, et il te doit la cicatrice sur sa gorge. Il a un sourire mauvais en te fixant tandis que vous arrivez devant une grande porte. Le réfectoire.

Les portes s'ouvrent sur un sas menant à ce que tu sais être une énorme pièce ronde au mobilier plus que spartiate, percée de trois autres portes diamétralement opposées entre elles, Les autres groupes rentrent par là. Vous êtes donc une soixantaine de prisonniers à vous rejoindre ici. Chacun prend à son tour un des plateaux sur un rail longeant la pièce, avant d'aller s'installer à une table. Les groupes se forment. Les matons se positionnent. Molok regarde Minx, puis toi en silence, puis finit par passer entre toi et minx, qui te glisse un sourire de hyène en effectuant un signe avec les doigts. Un signe de gang. Une menace de mort.

Au travers de toute cette foule d'une soixantaine de prisonniers amassés dans cette pièce, plusieurs choses intéressantes t'apparaissent, annonce d'un funèbre piège. Les gardes sont tous des hommes de Kaine. Le gang des Razors est en force, mais s'est dispersé en petits groupes dans la pièce. Et tu finis par remarquer le petit surin en céramique dans la main du petit brun aux yeux fous. Plusieurs questions te taraudent. Pourquoi lui, alors qu'il n'est pas du gang ? Est-ce un coincidence, en a-t-il après quelqu'un d'autre ? Peu probable étant donné les vérifications répétées et le programme du jour de Kaine.

Puis tu remarques que le brun au surin devant toi a lui aussi un tatouage, sur la nuque. Un Dragon et la boule noire du 8 du billard. Un tatouage aux airs finalement assez banals, mais pas pour toi. Il s'agit du tatouage des Black Slayers. Une unité d'élite de traqueurs. Un frisson te parcoure, et ton cerveau carbure à toute allure. Pourquoi quelqu'un aurait-il envoyé un membre des Slayers pour te tuer ?

Ta réflexion est interrompue par la voix de Ryan tandis qu'il te pousse vers le sas et la pièce :
- Allez 101, on traine pas !

Molok t'observe encore, comme pour attendre un signal. Peut-être qu'il est dans le coup lui aussi ? Après tout, si un gars comme Kato avait pu te trahir...Merde. Il faut que tu arrêtes de déraper, ce n'est vraiment pas le moment.

J’obtempère docilement aux ordres de 0446. Pas envie de lui donner l’occasion qu’il attend de me mettre une dérouillée en présentant une vaine résistance. Je sors de ma cellule, bien trop vite à mon goût, j’aurais préféré rester seul. Je me sens pas encore prêt mentalement et physiquement à affronter l’univers carcéral. In(car)séré dans la file des prisonniers, je traverse les couloirs aseptisés et sans âmes d’Abaddon. Quel sens de l’humour de la part des architectes de cet antichambre de l’enfer. Pas de jugement divin ici, uniquement la justice des hommes qui t’envoie directement en enfer sans se poser de questions.

Durant la progression, je commence à remettre des noms, des affiliations, des réseaux de taulards et de gardiens. Kaine. Nœud central des tentatives effectuées par les Razors de mettre un terme à mon séjour ici. Pourquoi ? Pas moyen de m’en souvenir pour l’instant. Une vieille rancœur contre les Traqueurs peut-être.

Pas le temps d’investiguer ce trou mémoriel, puisque j'’intègre un groupe de 5 personnes, dont un membre, ô surprise, des Razors. Kaine a l’intention d’en finir, pas de jouer au chat et à la souris. Ca me va.

Je remarque les nombreux appels du regard de Molok, mais préfères ne pas y répondre sans avoir une vision complète du tableau concocté par les matons.
Là, le bodybuilder cinglé. Le compte à rebours est lancé

Tic

Pas un Razors. Pourquoi ? Un mec en compte avec le gang et qui va déclencher une rixe pour que les gangers se charge de moi dans le chaos ambiant ?

Tac

On arrive à la salle. Je remarque le tatouage du taulard (mais l’est-il réellement ?) au surin. Un Black Slayer. Bordel!

Tiiiiiic

Les Traqueurs ont-ils décidés de laver eux-mêmes l’affront que j’ai fait à la légion constituée par Victor Melichenko ?

Taaaac

On entre dans la pièce bondée de prisonniers et de Razors. Les petits plats dans les grands pour Kaine.

Tiiiiiiiiiiiiiiiiic

Molok semble me presser pour agir. Suis-je rouillé au point de ne pas sentir le même empressement que lui ? Ou bien est-il lui-même l’homme chargé de déclencher les hostilités?

Taaaaaaaaaaaaaaaaac.

J’attrape mon plateau. Si le Traqueur est là pour me planter, je suis déjà mort. Autant espérer qu’il soit là pour m’aider, quel qu’en soit le nébuleux motif. D’un mouvement ample, mais d’une rapidité qui me surprend moi-même, j’abats mon plateau dans le visage de Mad Minx avec une force suffisante pour écraser sa tête de camé contre le sol polie.

Qu’on en finisse pour que cette putain d’horloge du bureau d’un Skripnick fictif cesse de tambouriner dans ma tête.

Impression de déjà vu. Violence. Mélange de réalité et d'une vie virtuelle. Étrangement, tu retrouves les sensations du réel dans ce mélange d'adrénaline et de peur. Tes phalanges qui blanchissent en serrant le plateau avec force avant de l'abattre sur le crâne de l'infortuné minx.

Finalement, cette frappe est libératrice. Minx n'a rien vu venir, ton plateau le cueille avec une force terrible. Second choc sourd tandis qu'il tombe en arrière tête la première. Une mare de sang apparait sur le sol immaculé. Du coin de l'oeil tu as juste le temps de voir l'éclat du surin. Mais tout s'accélère. Tu te sens projeté contre le rail du plateau. Par réflexe tu répliques, mais un autre razor te saute dessus.

Dans le bruit de l'alarme et les cris des prisonniers tu te retrouves sans trop savoir comment pris au sol par trois Razors.Ton corps te rappelle alors à la douleur réelle. Lancinante, sombre, beaucoup plus violente qu'au travers d'un filtre de réalité. Le sourire carnassier d'un colosse albinos au crâne rasé arborant le tatouage des Razors. Tu te débats, mais impossible de sortir de l'étreinte des deux autres qui te tiennent bras et jambes. Dans un dernier réflexe tu mets un coup de tête rageur à l'albinos. Dernière action d'éclat avant de mourir ? L'albinos tient une brosse à dent taillée en pointe.

Tu vas mourir d'un coup de brosse à dent. Ironie de cette vie merdique.

Tic. *grésillement*

Le sourire de l'albinos disparait avec sa tête, remplacé par le visage -assez ressemblant- maculé de sang de Molok. Sonné, tu clignes des yeux, et vois juste une matraque s'abattre sur les deux autres Razors. Ton champs de vision devient noir, et tu vois des étoiles. Cris d'animaux, odeur de désinfectant et de sang, éclat de casque et de matraque. Tout se mêle dans ta tête qui a vraiment dû prendre un gros choc.

Tac. *grésillement*

Te relever. Tu sais que dans ces situations, il ne faut jamais rester immobile, et encore moins à terre. Tu saisis la main que Molok te tend, et dans une brume noire tu aperçois le carnage qui a lieu : les gardes sont en train de prendre le dessus, mais la rage des prisonniers leur permet de tenir tête à ses armures. Dans le feu de l'action, tu as juste le temps de voir le black slayer en train de casser la jambe d'un des razors. Puis tu sens la main énorme de Molok sur ton épaule :
- "Bouges toi, mec, on s'casse !", dit-il en te tirant vers une des portes d'entrée, vous éloignant un peu de la mutinerie générale qui a lieu. La porte...Tu vois la grosse paluche de Molok tenter d'ouvrir un panneau, et finir par l'arracher dans un cri de rage. Tu regardes les caméras au-dessus de vous. Tu connais la procédure. Ils vont vous gazer.

Tiiiicccccc...Grzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzz

Ta tête tourne d'un coup, manquant de te faire tomber. Ton champs de vision se pixellise. Effet de la virtualisation ? C'est alors que tu vois dans l'air un numéro s'afficher : 204 718. D'où sort ce nombre qui flotte dans l'espace ? Ton interface nano visuelle a été désactivée avec le reste à ton entrée ici.

Tu vois alors le panneau s'ouvrir sous les coups rageurs de Molok. Un digicode. A six chiffres...

Voir Minx s'écrouler au sol fait naître le début d’un sourire de satisfaction avant que tout ne bascule dans le chaos. Ma vision et mes sens deviennent elliptiques. Confusion, douleur, perte de repères. Mort. Reprise de contact avec la réalité lorsque que l’albinos menace de planter sa brosse à dents effilée dans mon larynx. J’aurais presque l’envie d’en finir, d’oublier, d’absoudre mon crime par une rédemption mortuaire.

* Je vais crever à cause d’une putain de brosse à dents*

Réflexe de survie. Pardonnes-moi Rebecca, je ne peux pas encore t’accorder la vengeance que tu mérites. Pas comme ça.

Mon front s’engage désespérement dans le nez du Razor albinos. Pas assez de force pour le briser, tenu comme je le suis par les compères du tueur au regard vide.

Endgame. Pensées qui s’envolent vers Rachel. Son sourire.

Bruissement du décompte de l’horloge interne.

Visage de Molok. Pas avec cette gueule là que j’imaginais les anges.

Se relever. Ne pas offrir une cible immobile à la furia qui s’est emparée du réfectoire. Etourdissement. Malgré le bruit et la fureur, mes synapses paraissent s’être enroulés dans des filaments de coton. Suivre Molok. Comment faire autrement quand celui-ci me hurle dessus. Le Black slayer s’en donne à cœur joie sur un Razor.

* Se casser ? Pour quelle destination ???*

Je le suis péniblement jusqu’à une porte. Une parmi les milliers que compte le centre pénitencier le mieux sécurisé d’ici à Orion. Le colosse noir s’acharne sur le boîtier d’ouverture alors que je pose un genou au sol. Pas à cause de mon corps martyrisé par les coups, mais du fait d’un vertige virtuel. Une connexion directe au réseau, sans nano-interface.

204 718

Les chiffres s’alignent inexplicablement devant mes yeux, comme une réponse à l’énigme du digicode qui se pose à Molok. Instinctivement, j’épele les chiffres à taper pour mon sauveur du moment, ignorant son regard d’incompréhension.

- 204 718, répète-je dans un souffle d’épuisement. Magnes-toi avant qu’ils nous gazent.

Je me relève péniblement, prêt à fuir dès que la porte s’ouvrira, car je sais déjà qu’elle s’ouvrira.

Mais pour quelle destination ?

Les yeux de Molok s’étrécissent une seconde alors que tu lui donnes le code, mais il finit par faire tapoter ses trop gros doigts sur le clavier. L'espace de quelques secondes, rien ne se passe. Dans le chaos de ce massacre plus ou moins organisé, tu vois la fumée qui commence à sortir de la ventilation. Tu sais que vous avez un délai d'une minute, peut-être moins s'ils sont en forme, avant que la cavalerie ne débarque pour ramasser les survivants.

- Putain, Karim, pourquoi ça marche pas ?! Hurle le colosse, visiblement pris de panique en observant la scène derrière lui tout en secouant énergiquement le boitier contenant le digicode.

Cinq secondes. Dix secondes...Le gaz commence à se répandre dans toute la salle. Contre toute attente tu entends un clic suivi d'un chuintement puis le vérin. La porte s'ouvre lourdement, et vous vous glissez à l'extérieur.

Le compte à rebours est lancé, et tu suis Molok. Mais celui-ci s'arrête bien vite, s'agenouille et met ses mains sur sa tête en fixant une caméra anonyme dont tu distingues à peine le reflet :
- J'y suis pour rien ! Me tuez pas ! J'voulais pas mourir, c'est tout !

Tu te rappelles que Molok a une fille. Et que son séjour ici l'a rendu, malgré son passé de terroriste, plus désabusé et cynique que la majorité d'entre vous. Il faut dire qu'il n'a plus vu la lumière du jour depuis 15ans.

Mais il reste seul avec le silence métallique du couloir, tandis que tu te sens toi comme le nouveau Prophète d'une religion informatique tandis qu'une flèche verte s'allume sur l'afficheur nanorétinien que tu n'es pas censé avoir :
6-6-6 5', départ à droite dans 20 secondes....19....GRZZZZzzzztttttttttttt....

Par réflexe d'agent bien rôdé, ton cerveau continue de compter. Encore une énigme. Qui te demande de partir à droite dans ce couloir. Le reste te semble plus obscur. 5' doit vouloir dire 5 secondes. Quant au nombre de la bête...Sûrement quelque chose de difficile à dire sans être en situation. Quelle que soit cette aide providentielle, elle avait visiblement d'autres projets pour toi que juste t'éviter de mourir dans un traquenard carcéral.

15....14.... Une seconde, ta personnalité et celle de ton avatar virtuel se mélangent encore les pinceaux. Tic.....

Presque dans le fauteuil d'un spectateur des évenèments, j’attends avec patience l’ouverture de la porte, contrastant avec l’attitude de nervosité bien compréhensible du géant noir. Même lorsque la porte s’ouvre enfin, je reste impassible, ne laissant paraître aucun soulagement. Aucune émotion en vérité. Sûrement l’effet mortifère  qui agit sur un homme qui devrait être mort après les incidents de la cantine.

Ou alors l’effet d’un cerveau humain remplacé par l’IA d’une machine.

Alors que nous prenons la fuite, l’hypothèse émise précédemment rejaillit avec force : Daphnée / Dr Johanson a fait en sorte de rebrancher tout mon matériel nano. Pas d’autres explications possibles.

Ou est-ce un nouveau jeu macabre du Directeur de Léthé ?

Lorsque Molok finit sa course à genoux pour se rendre, je ne suis pas vraiment surpris. Outre le centre pénitentière, l’homme est prisonnier de ses propres démons. Comme nous tous. Comment pourrait-il faire autrement. De toute façon mon attention est drainée par la nouvelle énigme informatique qui se surimpose à mon champs de vision.

Tic-Tac.

12… 11

- Mon pote, si tu veux un jour avoir une chance de revoir ta fille, tu me suis et fais tout ce que je fais.

8… 7

- Sinon je te remercie et te souhaite bonne chance.

4..3

Sans même regarder quel destin Molok choisit de donner à sa vie, je me tiens prêt à courir.

2 … 1


0

Je bondis sur la droite, cours pendant 5 secondes avant de me stopper net, Attentif à mon environnement et à l’espoir de comprendre l’évocation du chiffre de la bête.

Tu t'élances, comptant les secondes qui s'égrainent, en même temps qu'un timer virtuel qui a la bonne idée de se lancer au coin de ton champs de vision :
5...4...

Contre toute attente tu entends les pas lourds de Molok qui essaient de te suivre. Cet énergumène est surprenant. Il a réussi à ne pas totalement céder à sa prison mentale, et te montre une confiance qui frise le délire vu l'ambiance de l'endroit. L'espoir infime d'un Ciel plus ou moins bleu et de retrouver sa famille ? Ou seulement une impulsion suicidaire ?

"Attends moi, mec !.."

3...2....

"...Mais bordel, où est-ce que tu..."

1...STOP !

L'arrêt à ce carrefour est brutal, d'autant que Molok te rentre presque dedans.

Tu entends alors le grincement du changement rapide bien avant de le voir, heureusement pour toi. Tu comprends que les 5 secondes t'ont amené à un endroit précis, et tu commences à deviner pourquoi. Les anneaux de la station font une reptation, tel un serpent mythologique se réveillant d'un long sommeil. Mais le cycle est celui des urgences, et le mouvement est rapide. Très rapide.

Tandis que les anneaux se reconfigurent dans des secousses et claquements métalliques, votre couloir lui ressemble au centre d'un manège infernal. Des ouvertures donnant sur des couloirs avec des numéros défilent à toute vitesse sur ta droite.

5...4...

Tu saisis instantanément. Couloir numéro 6. C'est totalement cinglé. Si la porte du couloir 6 ne s'arrête pas à ton niveau, c'est un pari totalement improbable. Il faudra que tu t'élances au bon moment pour sauter sur une ouverture latérale de 3 mètres de larges et 2,5m de haut dans un laps de temps que tu évalues au plus à deux secondes.

Molok te regarde avec un oeil cyber qui te parait ahuri et ne lui ressemble pas, tout en observant avec toi le manège tourner autour de vous. Il ajoute alors, haletant comme un phoque :
- Mais merde, Karim, tu vas m'expliquer c'que tu..

2...

Tout va vite, s’accélère. Je cours vers une simple intuition, comme mettre en pari sa vie sur un pressentiment. Pari gagné. Pour l’instant.

A l’arrêt, en plein décompte mental automatique, je remarque autant à son souffle court qu’à sa déclaration que Molok a choisi, pire que moi, de se fier à l’intuition d’un autre. Comme quoi la croyance a quelque chose d’irrationnel.

Ce qui nous ramène au nombre 6-6-6. Le chiffre de la bête. Une association chrétienne au mal, qui deviendra au fil du temps une représentation de tout ce qui s'oppose aux commandements de Dieu, symbolisé par Satan. Pure invention auquel nombre de chrétiens ont choisi de croire. En réalité, en hébraïque, 666 peut-être traduit par César-Néron, qui assassina en son temps une multitude de chrétiens. Une symbolique forte, mais qui ne vit qu’à travers ceux qui y croient. Comme notre fuite en ce moment.

Cette pensée philosophique, issue des cours de religion que m’octroyait mon père s’achève alors que le décompte mental arrive à son terme. Je lâche un « Prépares-toi.» sibyllin à l’intention du colosse noir à ma suite pour seule réponse à sa question.

1…0

Que la porte du couloir 6 s’arrête ou non, je m’engage d’un pas rapide ou par un saut en poussant Molok devant moi.

« Mais merde, Karim, tu vas m'expliquer c'que tu...»
« Prépares-toi.»

La porte du couloir numéro 6 approche à toute vitesse du duo d'évadés. Karim suit le mouvement en anticipant son arrêt. Au passage de la porte 4, une boule se forme dans ses tripes en même temps qu'une certitude. Cette foutue porte ne va pas s'arrêter.

L'ancien traqueur saisit alors l'énorme noir par le bras. Molok fronce les sourcils, puis son expression passe de l'incompréhension à la surprise et il fait mine de se dégager de la prise de Karim :
- "Oh non non non !!!!"

Mais il est beaucoup trop tard pour revenir en arrière. Une goutte de sueur passe sur le front tendu de Karim pendant qu'il calcule tous les paramètres. Il se baisse pour prendre un meilleur appui sur ses jambes qui se contractent comme des ressorts.

0....Maintenant !

Le temps ralenti. le géant noir prend son envol, propulsé par la force du saut étonnamment violent de Karim dont les jambes se détendent d'un coup dans un bond digne d'un champion des jeux olympiques.

Malheureusement, la fenêtre de tir est vraiment courte. Trop courte. La résistance de Molok était déjà une perte de précieuses fractions de secondes que Karim n'avait que partiellement anticipé, et dans le cri suraigu du colosse il se fait la réflexion en regardant approcher l'encadrure du couloir que mourir en faisant une acrobatie aussi stupide sur les conseils d'un inconnu résumait finalement assez bien ses existences réelles et virtuelles.

Les deux corps foncent sur l'anneau qui ralenti, mais pas assez vite. Dans une fraction de secondes qui semble durer une éternité, Karim réfléchit à toute vitesse. Son adrénaline monte encore d'un niveau tandis qu'il saisit violemment le bras de son compagnon et se tourne d'un coup pour mettre ses jambes en avant pour gagner quelques micro secondes sur le timing trop court. Les jambes du traqueur accrochent la paroi en même temps qu'il pousse pour éviter de se les faire sectionner par le mouvement et tenter de rattraper la vitesse de rotation de la paroi.

Le cri de Karim est autant un cri d'effort que de douleur, alors qu'il sent ses jambes au bord de la rupture. Mais il pousse encore, et tandis que le temps reprend son cours, les deux silhouettes sont propulsées dans le couloir 6 comme des boules de flipper. Le labyrinthe ralenti et les deux prisonniers sont projetés comme des fétus de paille dans une tornade.

Le traqueur sent ses os se rompre contre les parois tandis que les deux corps retombent lourdement dans le couloir dans un bruit métallique de fermeture de la porte par laquelle il venaient d'arriver. La gravité et le temps reprennent leurs droits. La souffrance aussi. Le cri de Molok est perçant. Karim tourne un regard encore trouble vers son ancien compagnon de cellule, pour assister à un spectacle d'horreur. Le colosse vient de perdre son bras, sectionné à l'épaule et tombé quelques mètres plus loin. De façon un peu incongrue au milieu des cris et du sang, Karim saisit l'ironie de la situation en observant le plastique blanc de la prothèse de son autre bras.

- "Bordel, bordel, bordelllllll......!!!!", crie-t-il en essayant de tenir son moignon d'épaule pour que le sang arrête de couler. D'un seul coup d'oeil, Karim évalue la gravité de la blessure. A la quantité de sang maculant déjà le sol, il n'en a plus pour très longtemps.

Tandis que les hurlements déchirent le couloir numéro 6, Karim entend alors des bruits de craquements sonores. Sa vue revenant à la normale, ses yeux noirs lui offrent un spectacle digne d'un film d'horreur dans la lumière rouge du système d'alimentation de secours : Des cadavres gisent au sol. Des gardes. Des prisonniers. Du sang partout sur les parois. Toutes les cellules sont ouvertes. Deux gardes encore plus ou moins en vie se relèvent et au lieu de se tourner vers les deux arrivants, ils tournent des regards affolés vers le fond du couloir. Là, des silhouettes se découpent dans les lumières rougeâtres. Leur démarche est syncopée, comme s'ils étaient blessés ou estropiés.

Mais l'instinct de chasseur de Karim ne le trompe pas, et lorsqu'ils se retournent, il comprend tout de suite que quelque chose cloche. Leurs yeux sont vitreux. Leur démarche trop mécanique. Des câbles sectionnés sortent d'interfaces crâniennes déformées. Sans savoir réellement ce qui arrive ici, Karim a des flash d'une série qu'il avait vu une fois lorsqu'il était enfant. Une série qui parlait de zombies.

Les silhouettes avancent. Certaines ramassent des matraques. Les gardes tirent alors des balles en plastiques, qui semblent n'avoir aucun effet sur eux. Un frisson parcourt Karim. Les yeux de certains zombies quittent les gardes pour se fixer sur eux...

Cherchant en vain un signe de son auxiliaire visuel comme un Prophète en crise de manque, seul un bourdonnement qui vrille ses tympans par intermittence répond à l'Agent Foster. A moins que ce ne soit encore un coup de Matt ?

Le poul de Karim s'emballe tandis que les zombies -ou quoi que soit encore ce délire- approchent des gardes et les frappent dans des gerbes d'hémoglobine qui se réfléchissent dans les spots rouges. Le cri de douleur de Molok se transforme en cri de peur. Il faut dire que le spectacle est totalement surréaliste.

La porte derrière eux est condamnée. La seule sortie est sûrement derrière ces types. Karim a comme alliés un manchot et deux futurs morts. Et en face de lui, une dizaine de zombies sortis d'un film de série B qui visiblement ne craignent pas les balles en plastique.

Seul, il devait pouvoir fuir sans mal en se servant des autres comme diversion. Sinon il allait falloir affronter ces choses, d'une manière ou d'une autre. Karim remarque alors à portée de bras derrière lui une des matraques électriques qui avait dû tomber d'un des gardes.

Comme de nombreuses fois dans sa vie, Karim allait devoir faire un choix difficile.

Le ronronnement de la climatisation berçait la pièce d’un son ouaté. Assis sur son tapis de prière, vêtu de son quamis d’Imam, mon père pose avec respect le Coran qu’il lisait encore quelques secondes auparavant. Silencieux, il me regarde. Comme toujours, j’ai le sentiment que son regard perce mon être, qu’il y voit le bien et le mal, les secrets et les mensonges. Debout face à lui, la tête inclinée pour marquer mon respect, j’attends son jugement, sa punition.

Le matin, à l’école, j’en suis venu aux mains avec Sofiane. Ce dernier avait insulté ma mère devant moi. Insupportable et intolérable. Au moins, de sa chambre d’hôpital, il aura l’occasion de réfléchir à ses propos. Ca n’avait pas été le point de vue du directeur qui avait jugé de bon aloi d’avertir mes parents.

J’attendais à présent mon propre châtiment. La voix est lasse, fatiguée :

- Mon fils. Karim. Ce que tu as fait est répréhensible, mais ta cause était juste. Le respect est ce qui lie les hommes entre eux. Celui qui trahit ce respect mérite châtiment. Aussi j’aimerais que tu te souviennes de ce proverbe issue de la sagesse coranique : « Si tu dois te venger, veilles à ce que la vengeance ne dépasse point l’offense »…


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Les hurlements de Molok viennent percer mon cœur. J’ai failli. Je n’ai pas été capable de le protéger du broyeur mortel de l’anneau. J’ai à nouveau failli et fait payer le prix de mon propre échec à un autre. Pas besoin d’être médecin pour comprendre que le couloir 6 sera le tombeau de Molok si rien n’est fait. Le regard encore vague sous l’effort que j’ai produit et la lessiveuse que nous venons de traverser, j’essaie d’évaluer la situation dans laquelle nous nous trouvons à présent.

Je regrette preque de m’être lancé dans cette analyse devant le spectacle digne du cauchemar d’un esprit déséquilibré. Irréel, la vision de créatures d’aspect mortifères revenues à une vie corrompue manque de faire disjoncter mon esprit pour m’envoyer dans les limbes d’une inconscience libératrice. Mais je ne cède pas à cette issue tentante. Rapidement, mon esprit analytique formaté par mes années de Traqueur fait le point. Dix de ces créatures bloquent la seule issue possible. Deux gardes en piteux état forment le seul barrage à disposition pour nous protéger de cet ennemi.

Je ne peux m’empêcher de penser à une quelconque expérience d’un Dragon en observant ces sinistres créatures.

Je pèse mes options. Seul je pourrais m’en sortir. Mais Molok ne mérite pas que je l’abandonne, même mourant. Quoi que je puisse penser du comportement des gardes de cette prison à mon égard, ils ne méritent pas non plus de rencontrer leur destin aux mains de ces êtres impies. Reste à trouver une autre diversion qui nous ouvrirait l’ouverture.

Là.

Je ramasse la matraque à portée de main et en deux pas prend mon élan pour défoncer le boîtier d’alarme incendie. Mon coup est précis, et la couvercle métallique saute immédiatement. J’appuie ensuite sur le bouton qui déclenche les sprincklers et inondent brusquement le couloir. Dans un nouveau mouvement, j’attrape Molok et glisse son bras bionique sur mon épaule pour l’aider à se déplacer.

Passant aussi vite aux côtés des gardes que me le permet ma charge supplémentaire, je leur hurle : « Bougez-vous  si vous voulez vivre ! ».

Je continue d’avancer en espérant que les créatures mort-vivantes soient gênées par le rideau d’eau qui s’abat sur nous. De ma main droite, tenant fermement la matraque, je m’apprête à repousser un éventuel assaillant.

Un plan fragile, mais il est trop tard pour faire mieux.

Création d'un avantage : Rideau d'eau gênant
Les aspects de scène : Des cadavres empilés, Horde de Cyberzombies libérés, Gardiens NBN apeurés, Matraque électrique, Ritdeau d'Eau gênant

Entre la lueur diffuse rouge des éclairages de secours, l'alarme assourdissante qui s'est déclenchée dans une pluie abondante de sprinklers, et la foule de "cyberzombies" à la démarche saccadée et aux yeux vitreux, la scène a pris des allures de film d'horreur.

L'effet de l'inondation ne se fait pas attendre. Comme Karim le prévoyait, la faible coordination de ceux qu'il se refuse à appeler des zombies glissent sur le sol métallique détrempé et semblent gênés par ce mur d'eau.

Arrivé à la hauteur des gardes, il s'aperçoit avec horreur alors qu'il hurle aux gardes de le suivre qu'il est déjà trop tard pour un des deux. Un casque jaune tombe aux pieds de Karim, et il ne peut qu'être spectateur de ce spectacle surréaliste. Le hurlement de terreur qui fait écho au cri strident de l'alarme incendie glace les os et les tripes de l'ex Agent Foster. Et tandis qu'un long jet de sang se reflète dans la lueur carmin du couloir dans des morsures de dents voraces qui déchirent la chair du pauvre gardien, des bras anonymes enlèvent ce qu'il reste de son armure pour mieux apprécier ce qui est de toute évidence devenu leur dîner...

L'estomac de l'ancien traqueur se soulève alors instinctivement en croisant le regard d'une hispanique aux yeux noirs dont les dents ensanglantées s'enfoncent dans la gorge ensanglantée du garde, déchirant sa carotide et entamant les ligaments de son cou. Au sol, un mélange d'eau et d'hémoglobine qui trace comme un cercle de mort. Choc.

Écho. Tāmāde...

Matthew a écrit:Ta vue se trouble un instant, et lorsque tu la retrouve c'est pour retomber sur ce visage de latino. Tandis que tu la regardes, des flashbacks te prennent alors par surprise, accompagnés d'un frisson d'effroi. Tu la connais.Des limbes de ton esprit embrumé,  un nom finit par surgir : Gina. Tu te souviens l'avoir rencontrée à des soirées de la "Haute". Et pour cause, finis-tu par te rappeler : c'est la fille d'Alfonzo « Hammer » Ruiz...Juge de Californie. Enfin...C'était.

Matthew secoue la tête en observant le visage d'un cadavre, d'une morte. Gina Ruiz. Quelques seconde le monde de celui qui avait été quelques heures ou quelques années l'Inspecteur Matthew Dane s'effondre à nouveau.

Au-delà des sirènes de police -à moins que ce ne soit l'alarme incendie ?- un cri retentit alors dans les oreilles de l'agent Foster, et il sent qu'on le tire :
- "BOUGES KARIM, BOUGES PUTAINNNNNNN !"

Karim. Un nom flou. Vertige existentiel. Est-ce vraiment le sien ? Est-ce vraiment sa vie, ou est-ce que Karim Foster est lui aussi une invention ?

Mais l'imprécation de Molok suffit à faire sortir le traqueur de cette transe. Il aperçoit alors le visage trempé et déformé par la douleur de Molok qui hurle à ses oreilles. Et à côté d'eux il aperçoit une autre armure jaune. L'autre garde semble les avoir suivi, matraque à la main.

Attaqués de toute part par des corps anonymes entremêlés dans une cohue chaotique, Karim réagit par réflexe, frappant ce qui passait à sa portée à grands coups de matraques électriques. Un bras pourvu de griffes cybernétiques lui lacère la cuisse et le bras de Foster, mais ses cibles se mettent à convulser sous les coups de la matraque électrique comme des danseurs de Shockdance épileptiques. Le garde imite alors Karim en frappant comme un sourd et en beuglant d'une voix hystérique déformée par son casque :
- 'Crevez, saloperies, crrrrreeeeeeveeeeeeeeeeeeezzZZZZZ !!"

Arrivés au bout du couloir, plongé dans la pénombre, Karim, Molok et le gardien survivant découvrent une double porte fermée. L'écran du digicode indique qu'il est hors service. Normal compte tenu du passage en mode sécurité du couloir. Le garde jette son casque par terre, dévoilant un visage triangulaire d'un blond rasé aux yeux noirs enfoncés et fous  :
- "Merde...C'est ça votre putain d'plan ?!", jette le garde au duo de prisonniers avant de tourner les talons. Mais il s'arrête instantanément: "Oh Merde, merde, merde...". Même sans avoir la vision de l'employé d'NBN, Karim les devine dans son dos. Les "cyberzombies". Ils s'étaient probablement regroupés maintenant.

Trop habitué à la pression ou trop choqué pour réaliser, les yeux noirs et calmes d'un Karim à la tenue de prisonnier jaune détrempée de sang et d'eau observent la scène. L'eau monte maintenant au dessus des pieds, faute d'un système d'évacuation en état de marche. Observant le digicode, Karim aperçoit le boitier chiffré descellé. Il y a sûrement moyen de créer un court-circuit pour ouvrir la porte. Mais cela demanderait d'ouvrir le boitier et reconnecter le câblage pour une ouverture d'urgence.

Contre toute attente, un flash vert passe alors devant sa rétine tandis que le courant revient en rallumant la salle, sans pour autant stopper les sprinklers :
65°80V-50°64M-34°51S

La porte devant les survivants s'ouvre alors comme par miracle, déversant l'eau dans le couloir immaculé et une baie de transpacier donnant sur l'espace. Jetant un coup d’œil derrière, Karim aperçoit la horde de prisonniers qui avance inexorablement vers eux malgré le sol glissant. Tournant la tête à nouveau vers la sortie, il reconnait avec stupéfaction un couloir qui n'a rien à faire ici. En effet, ces parois blanches caractéristiques mènent aux capsules de sauvetages de la station. Impossible hasard, quelqu'un a forcément réorienté les anneaux dans cette configuration improbable :
- "Par les Loas. C'est quoi ce b..."

Le garde coupe la tirade de Molok en les poussant violemment d'un coup d'épaule pour se glisser dans le couloir en jetant son casque ensanglanté. La porte commence alors à se refermer, et le duo Karimolok court aussi vite qu'il le peut vers leur salut, franchissant la porte au dernier moment, la porte coupe feu sectionnant un des bras de leurs poursuivants zombies.

Observant rapidement le corridor et le casque jaune NBN ensanglanté par terre, plusieurs conclusions s'imposent soudain à Karim comme évidentes : Premièrement celui ou celle qui a créé cette configuration dans les anneaux a sûrement voulu créé une diversion en transformant ces prisonniers via la réalité virtuelle utilisée pour reprogrammer les prisonniers. Il est donc probable qu'il y ait une invasion de ces faux zombies à travers toute la station. Deuxièmement, les capsules de sauvetage sont verrouillées à identifications palmaires, et les seuls à pouvoir les ouvrir sont les personnels autorisés. La présence de ces capsules explique sûrement par ailleurs le code vert qui venait de s'afficher et qui ressemblait de plus en plus à des coordonnées de vecteurs spatiaux. Enfin, deux bruits attirent son attention : celui des "zombies" qui ont l'air décidé à sortir. Et puis il y a ce chuintement plus subtil qu'il venait d'entendre et qui lui rappelle celui du réfectoire avant que le gaz ne soit lâché.

Dans le clapotis du sol innondé, les deux prisonniers se déplacent aussi vite que ce que leur état pitoyable le leur permettent en direction des capsules. Ils voient alors le garde à quelques mètres d'eux qui s'approche du panneau de contrôle de la porte d'une des capsules, un sourire déformant son visage tuméfié et torturé par la peur et une forme de folie pendant qu'il retire un de ses gants. Karim remarque qu'il a lâché sa matraque et qu'il tient son arme de poing dans une main. Un gros calibre de chez Armatech. La seule bonne nouvelle étant qu'elle est uniquement chargée aux balles plastiques.

La course dans ce cauchemar sans fin se poursuit tandis que j’entraîne Molock à ma suite. Si l’arrosage du couloir par les sprinklers anti-incendie fournit l’effet escompté en gênant les cyber-zombies, ou quoi que soient ces créatures infernales, je dois moi aussi me montrer prudent pour ne pas déraper sur le sol métallique poli aussi glissant qu’une savonnette dans les douches de l’armée. Un seul coup d’œil aux deux matons me permet de comprendre que l’un d’entre eux ne nous sera plus d’aucune utilité, victime de l’appétit vorace de ces… choses.

Un frisson de terreur court le long de mon échine quand l’une de ses créatures prend les traits d’un visage connu. Pendant un court instant, deux réalités s’affrontent dans mes synapses, comme voir une même personne sur deux plans différents. L’une victime d’un meurtre, l’autre meurtrière. Je secoue violemment la tête pour sortir ces images de ma tête. Passer mon chemin, affronter ces cauchemars pour rejoindre le bout de ce couloir de la mort. Ne pas me demander pourquoi ce monstre a le visage de Gina, car Gina n’existe pas. Ne pas me dire que d’autres que moi dans cette prison ont vécu les évènements de l’holo. Car Kato, Parker et les autres pourraient alors être eux aussi des prisonniers, ou des médecins, ou des matons, ou bien certaines de ces créatures.

Cette dernière pensée m’horripile et me fournit l’énergie nécessaire pour me galvaniser.

Le reste n’est qu’une lente mélopée de mort, détruire des corps déjà morts, les empêcher de s’approcher de nous pour… pour nous dévorer. Un cauchemar qui paraît sans issue. Lever le bras, l’abattre, réfréner l’envie de vomir devant le bruit des os brisés et des chairs putréfiées qui éclatent sous les coups. Lever le bras, se défendre, riposter, avancer. Avancer jusqu’à l’épuisement de mes forces. Là où le garde survivant vocifère sa colère et son désespoir, je ne suis que silence et halètement. A présent plus une machine mortelle que Karim, le Traqueur. La douleur envahit tous mes muscles sous les gestes répétés, le cerveau anesthésié par la brutalité de notre percée.

Après un temps qui me semble impossible à déterminer nous arrivons au bout du couloir. Pas sauvé pour autant comme nous le braille le garde aux traits à faire rugir de plaisir les gangs néo-nazis qui envahissent les rues de Bagdad.

A nouveau, des codes défilent sous mes yeux. Dans l’incapacité momentanée de comprendre ce qui est derrière ce petit miracle, je prends note mentalement de ce qui ressemble furieusement à coordonnées spatiales. Ce bref instant d’égarement suffit à l’Aryen pour tenter de se débarrasser de nous. Prévisible, et je m’en veux de lui en avoir laisser l’opportunité. Nous faisons néanmoins preuve d’un temps de réaction suffisant pour parvenir à passer le sas avant que celui-ci ne se referme sur nos poursuivants, nous fournissant ainsi un bref répit. Répit gaspillé par le garde survivant qui s’improvise en rescapé unique de la folie qui s’est emparée de la station orbitale.

Au moins a t’il le bon goût de nous ouvrir la porte de sortie. Laissant Molock me suivre comme il peut, je prends quelques pas d’élan avant de projeter ma matraque en direction du crâne du traître. Des années d’entraînement aux différentes armes pour devenir Traqueur devraient suffire à ce que j’atteigne ma cible.

Si tel est le cas, je pousse le géant noir à presser le pas tandis que je me précipite sur le garde pour l’assommer pour de bon. Nous nous glissons ensuite dans la capsule, dans laquelle je traîne le garde inconscient. Devant le regard réprobateur de Molock, je dis dans un souffle :

- Un, son empreinte palmaire pourrait nous être utile pour utiliser le système de la capsule, et deux, cette turne ne m’a pas brisé au point de laisser un être humain aux mains de ces choses !

Après ce que j’espère être une mise au point suffisante pour clôturer la discussion, je me mets sur la console de commande de la capsule et entre les coordonnées que j’ai mémorisé avec facilité.

65°80V-50°64M-34°51S

Le passeport pour un ailleurs dont je n’ai pas la moindre idée. Alors que le sas de la capsule se referme, je m’interroge sur le bienfaiteur qui a manipulé la station pour que nous en arrivions là.

Qui ? Dans quel intérêt ? Et pourquoi moi ?

Le visage de Kato haussant un sourcil s’imprime sur ma rétine, dans un nouveau dédoublement de réalité :

Faust a écrit:
- "Satisfait ?". Il marque une micro pause avant de soupirer : "Je comprends que tu veuilles nous tuer. Surtout après ce qu'on t'a fait. Mais t'as aucune idée de ce qui se joue ici. Tu es la pièce la plus importante de cette partie d'échec. Et tu as les moyens de tout changer. De renverser toute cette mascarade. Mais pour ça il fallait que tu t'éveilles. Et il n'y avait pas beaucoup de solutions pour le faire sans que tes ennemis s'en aperçoivent..."

Soit les scénaristes de cet holo ont foiré leur season finale, soit il existe forcément un lien entre maintenant et la réalité dystopique de Matt.

Instinctivement, je passe la main sous mon nez pour en essuyer un sang qui ne coule pas. Plus.

Je choisis de croire à la deuxième possibilité.

A la recherche du kit médical de la capsule, je dis à Molock :

- Faut qu’on t’arrange ça ou tu vas saloper tout le parquet, en désignant sa blessure contre laquelle je ne suis pas sûr de pouvoir faire grand-chose.

(Au lieu de faire un jet pour l'action je déclare que c'est réussi mais je fixe que Karim aura Armes à distance à Bon (+3). Si tu veux en plus qu'on lui ajoute un aspect en rapport avec ses "années d'entraînement" on peut, mais je ne le fais pas pour le moment. Tu as aussi deux conséquences : "Côtes cassées" dûe à l'atterrissage dans le couloir, et "Lacérations multiples" dûe aux blessures infligées par les zombies)

La matraque noire se reflète dans la lumière artificielle tandis qu'elle fend l'air du couloir pour finalement frapper le garde en pleine tempe, démontrant s'il était besoin les talents des unités d'élites des traqueurs. Le corps du garde a juste le temps d'accuser le coup de son étourdissement que l'Agent Foster est déjà sur lui malgré son état, effectuant un saut impressionnant pour combler les derniers mètres, assenant au garde un violent crochet du droit. Knock-out.

Derrière lui, Molok émet un léger sifflement perdu dans ses râles :
- Tu...M'impressionneras...Toujours, lǎo dì... (mon vieux, mon pote en Mandarin)

La porte de la Capsule sphérique blanche maintenant ouverte, le géant ramasse la matraque et monte aussi bien qu'il peut dans la capsule quatre places assez basse. Lorsqu'il voit Karim traîner le garde dans la capsule, il lève les yeux au ciel :
- Putain, Karim...

Mais la réponse de son compagnon d'évasion le coupe dans son élan. Il fixe une seconde son œil cybernétique et son autre œil noir de tueur sur le garde, puis les rive quelques secondes dans ceux de Karim. Il sait que le molosse d'ébène - comme tous les prisonniers de cette station - ont appris à haïr les gardes encore plus que les autorités Terriennes. Mais le duel de regards se termine contre toute attente par une victoire de l'ancien gamin du moyen-orient. Sûrement parce que l'ancien terroriste et tueur à gages à moitié chinois est bien trop fatigué pour arriver à tuer ce maton lui-même. Il se contente finalement de souffler un peu avant de se concentrer sur sa blessure qu'il presse, son énorme main totalement ensanglantée.

Une fois le gardien mis à l'arrière, Karim s'installe au poste de pilotage qu'il allume en lançant un check-up complet, avant d'entrer les coordonnées en utilisant avec dextérité les interfaces holographiques bleutées. Bien que le pilotage spatial ne soit pas réellement une spécialité, il se rappelle encore des bases qu'il avait acquises à l'académie. Les traqueurs devaient être capables de se débrouiller dans n'importe quelle situation, même les plus improbables.

Le bruit du vérin hydraulique lui indique le décrochage de la capsule dans le vide spatial, puis le démarrage des réacteurs et des réacteurs d'appoints pour la sortie. Par la baie de transpacier qui sert de "pare-brise", les deux acolytes observent la Terre qui vient d'apparaître dans leur champs de vision.



Le pilote automatique enclenché, la voix agréable et distinguée de celui-ci annonce dans un décalage total avec la situation de nos fugitifs :

Destination confirmée. Arrivée prévue dans 10 minutes et trente sept secondes.

Pendant que Karim cherche le kit médical qu'il finit par trouver sous ses pieds, Molok fouille le garde, et lui prend les patchs stimulants et la boite de pilules analgésiques de l'armure cabossée.

Le titanesque meurtrier esquisse ensuite un sourire charnu à la tirade de son camarade :
- C'est un peu tard j'crois..., te dit-il en te montrant le sol maculé d'une mare de sang.

Karim observe le moignon ensanglanté au niveau de l'épaule, mais Molok lui s'affale dans son siège en soupirant, ouvre le tube de pilules et en avale bien plus qu'une tout en observant le panorama spatial :
- J'crois que j'vais profiter du voyage, mon frère...

Effectivement, le vétéran de la Division Traque ne s'explique déjà pas comment son ami peut encore respirer, sauf à évoquer son surnom de Dodger (pour Death Dodger). Tandis que Karim vérifie ses constantes avec le kit, le trompe-la-mort sort alors une photo d'une enveloppe jaunie et trempée du sang de son uniforme originellement jaune. Il sourit en regardant la Terre et la photo sur laquelle apparaît sa fille.

- Merde...C'est vraiment beau vu d'ici...Si seulement Faith pouvait être là..., puis il regarde son co-évadé de son oeil vitreux : ...Merci, lǎo. Merci. chsais qu'c'est moi qui t'dois quelque chose, mais..Tu voudras bien donner ça à ma fille une fois en bas ?, finit-il d'un air livide en tendant l'enveloppe à l'ancien agent.

Mais à peine celui-ci eut-il donné sa réponse que la voix du pilote automatique et l'interface les alerte d'une menace imminente :

Deux Missiles balistiques A-193 phantom  et Un Missile anti-satellite OG30 viennent d'être lancés, les deux premiers depuis la Station Orbitale Letheus, l'autre depuis la Terre. Collision prévue dans une minute au point B3 entre les deux A-193 Phantom et cette capsule. Conseil : prenez d'urgence les commandes manuelles pour éviter la collision...

- Mais c'est quoi cette merde ! Crie Molok en se relevant dans son siège, lâchant même son moignon.

Un frisson parcourt Karim alors qu'il prend conscience de ce qu'il se passe devant leurs yeux ébahis : deux évènements viennent de se croiser. Deux missiles ont été lancés depuis la station, pour vous abattre. Mais un évènement bien plus improbable est arrivé. Un missile anti-satellite a été lancé depuis la terre et se dirige lui vers la prison spatiale...

Le compte à rebours est lancé. 46 secondes avant impact.

Je regarde la station-prison s’éloigner par le hublot, comme détaché des derniers évènements que nous venons d’y vivre. Tel un mauvais rêve dont les réminiscences s’évaporeraient lentement. La poussée inverse des réacteurs nous propose alors un spectacle tout autre, celle de notre planète. Je m’arrache à la contemplation de cet instant unique pour me concentrer sur la blessure de Molok. Sans réelle surprise, mes maigres connaissances en médecine ne seront pas suffisantes pour stopper l’hémorragie. Je fais de mon mieux en noyant de sang les quelques compresses disponibles dans la pharmacie d’urgence de la capsule de sauvetage, en vain.

Le colosse métissé semble avoir accepter son destin bien avant que je ne le fasse moi-même. Alors que son regard se trouble tant par la perte de sang et que par la consommation abusive d’analgésique, les pensées de Molock s’échappent vers sa fille.  Pas de tirade mélodramatique pour réponse à l’enveloppe qui m’est tendue. Juste deux hommes qui sont face à la mort. Je réponds d’un simple : « Je la donnerai à Faith, Molok. »

Je suppose que nous avons tous notre jardin secret, celui qui nous fait avancer et nous fait accepter l’inéluctable. Mais quel est le mien ?

Pas le temps de chercher une réponse à cette interrogation. Peut-être que c’est mieux ainsi d’ailleurs. La chasse a commencé.
Le Pilote automatique annonce de son ton dénué de toute humanité l’imminence des menaces lancées à nos trousses. Missiles balistiques. Impossible par contre de rationaliser le missile antisatellite en provenance inverse. Bien qu’il commence à me sembler évident que ce soit une réaction de mon mystérieux guide durant notre échappée de Letheus.

Là s’arrête mes réflexions devant l’urgence de la situation et la dernière ruade de Molok sous la forme de beuglements.

46 secondes. Ce foutu décompte revient me hanter. Tic-Tac.

Je m’isole mentalement. Réfléchir. Trouver l’issue.

Les missiles doivent tracer la chaleur des réacteurs de la capsule qui nous propulsent vers l’orbe terrestre. Une autre source de chaleur et leur courbe serait déviée. La solution évidente m’apparaît. Elle  est complètement délirante.

J’active sur la console le contrôle manuel tout en grinçant entre mes dents à l’intention de Molock :

- Accroches-toi, ça va secouer.

Méticuleusement, je dirige notre frêle esquif de tôle pour nous positionner sur la courbe de progression du missile antisatellite. Mon leurre. Notre chance. Vraisemblablement aussi notre condamnation irrémédiable.

Je vérifie que les missiles balistiques s’alignent sur notre trajectoire, tout en calculant mentalement le point de collision probable. Probable… Quelle ironie de jouer sa vie là-dessus.

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27


La mâchoire contractée à m’en faire péter molaires, je suis les progressions convergentes des trois armes destructrices et de la nôtre.

17

16

J’impulse à la capsule une poussée des réacteurs pour nous sortir de l’axe de progression du missile antisatellite. Peut-être trop tôt. Sûrement trop tard.

Je ferme les yeux. Enfin mes mâchoires se descellent pour laisser s’échapper un murmure qui m’étonne moi-même : « Allahu akbar ».

4

3

Tic-tac.

La masse meurtrière noire au bras absent écarquille l'oeil malgré son état de mourant bien avancé :
- On est foutus..., dit-il d'un air un peu absent, le regard vitreux.

Mais Karim n'a pas le temps de se préoccuper de son co-détenu. Après avoir déplacé la capsule, ses doigts musclés tapotent frénétiquement le clavier virtuel d'un air concentré. Calcul de trajectoire et étude des statistiques des points d'impacts. Il faut qu'il trouve l'angle exact qui leur permettra peut-être d'échapper à une mort certaine. Un souvenir fugace du visage de son instructeur en train de parler d'un esprit sain dans un corps sain l'aurait presque fait sourire s'il en avait le temps.

Les courbes elliptiques blanc-bleues s'affichaient à toute vitesse accompagnées de lignes de code et de différents tableaux de résultats. Heureusement pour lui, l'ancien traqueur est toujours meilleur sous la pression.

28

...

18


Là. La convergence de vecteurs cinétiques. Et là, la trajectoire. Un moment qui durerait à peine une fraction de secondes et d'une dimension à peine plus grande que cette capsule, qui devrait leur permettre de s'en sortir...Du moins si les calculs de l'ordinateur de bord étaient exacts...

Karim applique encore une poussée contrôlée vers la "droite" pour rejoindre la bonne trajectoire, en espérant qu'il soit encore temps.

Molok s'est évanoui. Karim commence malgré le froid spatial à transpirer à grosses gouttes. Trop tôt ? Trop tard ?

Quatre secondes avant impact. Une imprécation religieuse. Il ne sent pas les bras qui ont glissé derrière lui. Une main gantée et une main nues traversée de veines sombres s'accrochent à Karim avec une force presque surhumaine.

2...

Un derner réflexe de survie et il appuie ses pieds sur le tableau de bord pour se dégager.

Ordinateur de bord a écrit:Déviation de la trajectoire. Warning. Collision imminente...

Dans l'espace, tandis qu'une capsule vacille et fonce droit sur le missile anti-satellite, les trois missiles se rencontrent. Choc. Une explosion assourdissante se produit dans le vide spatial.

NOIR TOTAL